dimanche 3 février 2013

Les fûts de chêne Made In France sont-ils toujours les meilleurs du monde ?

Copyright Thomas Bravo-Maza sur tous supports/Pour tous pays



Réputés pour leur savoir-faire et la qualité de leurs bois de chêne, les tonneliers français surfent sur une image ancestrale et artisanale. Mais, dans les faits, la qualité est-elle systématiquement au rendez-vous ? Depuis peu, plusieurs polémiques brûlantes sont relancées. Immersion au cœur du business des barriques. Une enquête de Thomas Bravo-Maza


Waidhofen an der Ybbs. Bienvenue à la tonnellerie Stockinger. Aucun doute, nous sommes en Autriche, dans un décor vallonné et verdoyant typique, à deux heures de route de Vienne. Ce tonnelier pas comme les autres n'aime ni les panneaux, ni les images, ni les sites Internet. Marketing degré zéro. Et pourtant, la clientèle a pour nom Gauby, Germain, Chave, Jamet, Jobard, Arretxea, Pavie-Macquin, Roulot, Clinet. Pour n'en citer que quelques-uns. Dans cette région cidricole où il ne reste plus que quatre tonneliers, le père de Franz Stockinger a repris l'entreprise en 1959. Jusqu'à la fin des années 80, les vins étaient élevés en cuves béton revêtues en epoxy, les affaires n'étaient pas florissantes pour les tonneliers. Et puis il y a eu le scandale des vins autrichiens trafiqués à l'antigel, qui éclata en 1985. Seule issue possible : la qualité. L'un des premiers vignerons à faire confiance aux Stockinger sera le toscan Antinori pour ses célèbres cuvées Solaia et Tignanello. Les plus grands vignerons piémontais suivront, puis les allemands et le français. Production annuelle de ce tonnelier haute couture ? 1500 fûts et 250 foudres tout au plus. Origine des bois ? A 80% d'Allemange et Autriche, le restant provenant de Hongrie (sud du pays), Roumanie (Transylvanie) et Croatie (Slavonie). Sur place, comme nous avons pu en juger, rien d'innovant mais un souci de la qualité dans le moindre détail, depuis la maturation – lente - des bois dans le parc jusqu'au suivi chez les vignerons. Dès 2005, le Domaine Arretxea a eu le coup de foudre pour son travail sans esbroufe « qui va dans le sens de nos vins, souligne Thérèse Riouspeyrous, et donne en bouche des finales très intéressantes, un peu comme une vallée fraîche qui s'ouvre ».

Les tonneliers français symbolisent-ils toujours la référence mondiale ? La vigneronne d'Irouleguy répond moins poétiquement mais sans ambages : « Ah Non ! Les français ne sont plus les seuls à fournir des fûts au top ! » Une évidence, pourtant : la tonnellerie, « made in France » reste un must, notamment en terme d'image pour les vignerons. Résultat, la santé économique de la filière tonnellerie se porte plutôt bien et confirme son leadership mondial. « Avec 300,7 millions d'euros de Chiffre d'affaires en 2011 et 502.000 fûts vendus dans le monde, nous avons enregistré une augmentation annuelle de + 6 % en valeur et +3,3% en volume », précise Jean-Luc Sylvain, président du syndicat français de la tonnellerie. Ces chiffres s'expliquent en partie par une tendance forte depuis quelques années : la « premiumisation des fûts ». Inventaire à la Prévert : barrique « T5 » de Taransaud, « Icone » de Seguin-Moreau, « Premium by Jean Vicard » chez Vicard, « Magic cask » chez Dominique Laurent, Premium de Saury, « X-Blend » de Radoux, « eXclusive » chez Damy, « Collection » de Sylvain, « Colbert » de Nadalié, « Culte » de Baron, quel gros tonnelier n'a pas sa barrique Premium ? Tout cela fleure bon les effluves de chêne haut de gamme, mais les prix de vente flirtent, eux, jusqu'à 1200 euros pièce, le double du prix moyen.

Nous avons remonté la filière pour rapidement constater que derrière les bons chiffres de façade de la filière se cache une réalité nettement plus alarmante pour les tonneliers : les prix du bois qu'ils achètent ne cessent de flamber. Selon nos sources, le coût de la matière première représente 50% environ du prix d'une barrique traditionnelle (de 225 à 228 l.). Bien plus qu'on ne le croit. Toute variation de prix du bois brut a donc un impact direct sur la marge des tonneliers. Or les hausses de prix annuelles, si elles ne se limitent qu'à 3 à 5% par an pour les lots les moins qualitatifs, « sont de l'ordre de 15 à 30% par an pour les origines les plus recherchées » comme le confirme Jérôme François, président de la tonnellerie François Frères. En tablant sur une hausse moyenne des prix d'achat du bois de 20% par an, le calcul est vite fait : si les tonneliers répercutaient l'intégralité de la hausse des prix, une barrique vendue 650 euros actuellement se chiffrerait dans dix ans à plus de 2700 euros...De quoi donner le vertige.

Le jeu du chat et de la souris. Chaque année, à l'automne, lors des ventes aux enchères de bois les plus réputés issus des massifs forestiers de haute-futaie du centre de la France, c'est la même rengaine, dans la salle, la tension est à couper au couteau car ce sont les mêmes coupes qui intéressent les mêmes personnes, de vénérables arbres – de 200 à 300 ans - au tronc de diamètre important et régulier, au grain de bois d'une finesse exceptionnelle. Patron de la société de merranderie Sogibois, Bernard Gendre raconte : « en octobre dernier, pour la vente de lots de la forêt de Bercé, nous étions entre 10 et 15 acheteurs potentiels par lot, c'est de la folie, je suis très préoccupé, d'autant plus il y a des qualités de lots qu'on ne reverra plus, l'offre n'a malheureusement rien plus à voir avec ce qu'elle était il y a dix ans ». Ambiance. Changement de décor dans le bureau de l'un des barons de L'Office National des Forêts. A la tête de 1,7 millions d'hectares, cet établissement public gestionnaire des forêts domaniales vend aux tonneliers 70% du chêne dont ils ont besoin. Directeur technique et commercial bois de l'ONF, Bernard Gamblin se doute bien que le rififi entre les tonneliers et l'ONF est connu. Son argument : un graphique qui indique une relative stabilité des prix entre 1991 et 2011. Seulement voilà, sur cette feuille de papier, s'il y a stabilité globale des prix c'est parce que les prix du bois pour la construction, eux, baissent. Le président du syndicat de la tonnellerie française accuse : « L'ONF a mis en place un système de vente de façon à faire augmenter artificiellement les prix » s'emporte Jean-Luc Sylvain. De son côté, l'ancien directeur commercial de la tonnellerie Seguin-Moreau, Alban Petiteaux, enfonce le clou : « en mettant sur le marché un volume très légèrement insuffisant pour faire monter les prix, c'est un peu le jeu du chat et de la souris, mais un jeu où la souris ne peut jamais gagner". Bernard Gamblin se défend : « Depuis 25 ans, le volume moyen récolté se calque exactement sur l'accroissement naturel de la forêt. Nous ne faisons pas de rétention de bois de chêne ».

Sous les lambris de l'Elysée. Pour comprendre ces enjeux considérables, retour en décembre 1999. La terrible tempête qui vient de balayer la France à mis par terre trois à quatre années de récolte en une nuit. Plusieurs sources qui tiennent à rester anonymes nous le confirment : au tournant du siècle, cette tempête va, de fait, forcer l'ONF à transformer certains de ses agents en attachés commerciaux agressifs. Au plus haut niveau de l'Etat, l'administration des forêts est en train de faire son congrès de Bad-Godesberg. Le patrimoine forestier est désormais perçu comme un gisement de revenus qu'il faut accroître à tout prix. C'est tout le sens du message qui sera donné à Nicolas Sarkozy lorsqu'il sera nommé ministre des Finances, en 2004. Devenu Président de la République, il nommera Hervé Gaymard - son successeur à Bercy – président de l'ONF, avec des recommandations précises comme l'indique la lettre de mission signée par lui en janvier 2010 : « La contribution de l'ONF(...)au développement de la valeur ajoutée issue de nos forêts (…) est essentielle ». Gaymard lui répondra six mois plus tard : l'ONF « doit être l’outil d’une politique volontariste en faveur de la filière forêt-bois ». Ce qui signifie en langage clair : produire plus de bois, le vendre plus cher. La mission serait d'autant plus facilement réalisable que l’Etablissement public avait déjà réformé l’organisation de ses ventes de bois sur pied, en passant du système traditionnel d'enchères descendantes à la criée au système actuel par soumission cachetée à l'appel d'offres. L'ONF dispose dès lors de l'arme absolue : une base de données ultra complète sur le moindre de ses acheteurs, ses besoins, et, bien évidement, les prix plafond qu'il peut proposer. Toutes les conditions semblent alors réunies pour mettre en place une réforme des ventes vers un système de contrats de gré à gré appelé de ses vœux par Hervé Gaymard. Seulement voilà, si un tel système de contractualisation a déjà été accepté par la Fédération Nationale du Bois, la fédération des tonneliers, elle, n'en veut pas. Au cœur du problème, de nombreuses dérives potentielles – de la corruption - que détaille le patron de scierie Bertrand Robert :« par ce biais, l'ONF vend ce qu'il veut à qui il veut sans transparence et sans contrôle. On vend ce qui est demandé par certains acheteurs peu scrupuleux de l'avenir de la foret française et non pas à partir de ce qu'elle produit. Il en résulte une sylviculture moins efficiente, une décapitalisation qualitative des forêts ». Les braises de la polémique ne sont pas prêtes à s’éteindre mais les prix eux, vont continuer à flamber. Le message est clair pour des vignerons déjà très inquiets. Pour de nombreux Domaines, dans une région comme le bordelais, l'achat des barriques est, peu ou prou, le poste le plus important de dépenses, après les salaires. Mieux gérer son parc à barrique devient, par la force des choses, indispensable. A ce titre, la société H&A location a inventé un nouveau métier : gestionnaire de parcs à barriques. L'idée : ne plus acheter ses barriques mais les louer et en confier le financement et la revente à H&A. Fondée il y a huit ans, l'entreprise affiche déjà près de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires et gère une barrique sur deux achetée par les châteaux bordelais.

Des douelles dans la cuve. Les prix qui s'envolent posent d'autant plus question aux vignerons qui commercialisent des cuvées élevées en fûts entre 10 et 30 euros pièce. Nous avons demandé à plusieurs vignerons de nous communiquer ses prix d'achats de fûts il y a 10 ans. Résultat : +40% en moyenne. C'est sur ce type de constat que de nouveaux opérateurs apparaissent, tels Oenowood, société lancée par deux anciens dirigeants de la tonnellerie Seguin-Moreau, Alban Petiteaux et François Parthon de Von. Leur credo ? Conseiller les vignerons sur les questions techniques et commerciales qui peuvent optimiser leur élevages sous bois et proposer, en courtage, des solutions alternatives à la barrique traditionnelle. Oenowood distribue, en outre, le Flexcube, une cuve de vinification et d'élevage assez ingénieuse dans laquelle on place des douelles de chêne. Résultat ? Alors qu'une barrique neuve - amortie sur 3 ans - se traduit par un coût d'levage de 1 € la bouteille environ, cette technologie permet de diviser la facture par deux. L'emploi de copeaux de chêne est certes encore divisé par 2,5 (0,20 €/bt env.). Mais il nécessite une gestion délicate de l'oxygène car en œnologie, plus le morceau de chêne est petit, plus l'infusion va être rapide, et plus on va avoir besoin d'oxygène pour marier bois et vin. Le Flexcube joue, lui, sur des maturations lentes à l'aide de douelles placées à l'intérieur du contenant. Intéressant. Mais à n'en pas douter, le succès commercial de ceux qui commercialisent douelles, copeaux, bâtonnets, chips, paillettes, dominos ou staves - tous ces produits sous-produits du business des barriques dénommés plus élégamment « éclats techniques » ou « bois pour l'oenologie » - est au cœur de nouvelles stratégies pour de nouveaux entrepreneurs comme pour les tonneliers traditionnels. Tous comptent sur ces nouveaux produits « alternatifs » pour conforter des marges à la baisse sur le segment traditionnel. D'autant que les décrets d'AOC s'assouplissent peu à peu – tels Saumur ou Coteaux Bourguignons – et offrent des opportunités énormes.

Vous en avez rêvé, la barrique « IKEA » l'a fait. Pour faire faire des économies aux vignerons, certains tonneliers ont pensé à des solutions low cost qui laissent pour le moins songeur. Telles ces barriques en kit qui jouent à plein le concept « do it yourself », commercialisées par la tonnellerie Renaissance. Vous recevez au chai 24 douelles identiques, 2 fonds, 6 cercles en acier galva, 1 bonde en silicone, et il ne reste plus qu'à les monter ! Le concept Ikea appliqué à la tonnellerie, il fallait y penser. Renaissance annonce 25% d'économie avec son procédé Barrikit. Son secret, c'est de réduire l'usage de chêne noble car, annonce l’argumentaire commercial « lors de l'élevage en fût, le vin ne pénètre que de 2 à 3 mm dans le bois ». Les douelles sont en fait un assemblage d'une lame de chêne noble à grains fins à l'intérieur et d'une lame de chêne commun à l'extérieur. Le placage bois, ça aussi c'est l'univers d'Ikea! Trêve de plaisanterie, reste pour le vigneron à procéder lui-même à la chauffe de bousinage (voir encadré) de son fût. Nous posons alors la question : peut-on faire croire à un vigneron que la maîtrise du brûlage d'un fût va de soi alors que tout l'art de la chauffe est au cœur même du savoir-faire tonnelier ?

Une chose est sûre : dans leurs relations avec les tonneliers, les vignerons se posent des questions et éprouvent plus que que jamais le besoin d'être rassurés. On les comprend. Pendant des lustres, la gabegie a régné dans les rangs des tonneliers. Tronçais par ici, Tronçais par là, au rythme ou les dérives se multipliaient, la forêt de Tronçais (10.500 ha) aurait fini par devenir plus vaste que le pays tout entier. En octobre 2010, le couperet tombe. Le tribunal d'Angoulême reconnaît coupables deux tonnelleries – Taransaud et Doreau - de tromperie sur la qualité du bois, prétendument issus de la fameuse forêt de Tronçais. Un négociant en bois de Cognac, JG Partner, est en outre condamné pour avoir « francisé » des bois roumains ou ukrainiens. Taransaud a été dispensé de peine car il avait pu prouver que la tonnellerie avait réagi positivement depuis le dépôt des procès-verbaux des inspecteurs de la DGCCRF intervenu en 2008. Dans cette affaire, les attendus du jugement sonnent clairement comme un dernier avertissement aux tonneliers. Dans la foulée, la fédération de la tonnellerie s'est empressée de mettre en place une « charte des massifs forestiers ». Objectif ? Rassurer tout le monde. Nous nous sommes procuré cette charte. Il y est heureusement demandé d'abandonner toute communication sur le type (« type Tronçais », « type Allier », etc) au profit de « zones géographiques claires, cohérentes et homogènes ». Mais à y regarder de plus près, ces zones peuvent comporter jusqu'à 30% de bois issus d'une autre zone, d'un autre département, d'une autre forêt, ou même d'une autre région ! Nous avons demandé à la fédération de la tonnellerie de se justifier au sujet de cette disposition laxiste. Pourrait-on en effet admettre qu'un vin de Bourgogne comporte, par exemple, jusqu'à 30% d'un vin de Loire ? Réponse du président Jean-Luc Sylvain : « un relèvement de ce chiffre n'est pas à l'ordre du jour mais si la profession souhaite que l'on rediscute pour remonter ce chiffre, moi je suis d'accord ! Lorsque l'on achète une barrique de Tronçais, elle peut effectivement comporter jusqu'à 30% de bois hors Tronçais. Maintenant, si le client juge que c'est trop laxiste, c'est à lui de l'imposer par contrat à son fournisseur de barriques". Vignerons, à bon entendeur...

Existe-t-il un moyen scientifique irréfutable pour authentifier l'origine prétendue d'un fût ? Nous avons questionné laboratoires, experts et services de la répression des fraudes. Résultat : aucune méthode physico-chimique ne permet encore d'affirmer de façon fiable qu'un bois vient de la foret de Jupilles, n'est pas issu de Bercé, ou même qu'il aurait poussé en Europe de l'Est. Au mieux sait-on distinguer un bois de chêne blanc d'un chêne sessile ou pédonculé, mais pas plus. Un brevet (INPI n°2843405) issu de recherches cofinancées par la fédération des tonneliers a bien été déposé en 2004, mais il semble n'avoir jamais été exploité. Pour quelles raisons ? Notre question est restée sans réponse. Pour autant, de nouveaux travaux intitulés OakTrack en traçabilité ADN financés par l'Agence Nationale de la Recherche sont en cours sous la direction de Remy Petit (INRA de Bordeaux-Cestas) et devraient aboutir cet été. Espérons qu'ils donneront lieu à un brevet... exploité.

Du rififi au goût de TCA. "Il y a toujours eu de la variabilité qualitative dans les fûts. Dans les années 2000, sur 10 barriques, il y a en avait six correctes, deux excellentes, mais aussi deux au-dessous de la moyenne, on dit que ça s'améliore mais je déclasse encore les vins de trois barriques sur 15, ça fait vraiment mal au coeur » nous glisse, dépité, Julien Barrot à Châteauneuf-du-Pape. Il y a pire encore. Une vraie bombe dans le monde des tonneliers. Son nom : TCA, trichloroanisole 2-4-6, exactement comme pour le goût de bouchon. Pascal Chatonnet, l'homme par qui la polémique est arrivée est un expert, est patron du laboratoire Excell, bien connu sur la place de Bordeaux. Il n'y va pas par quatre chemins : La tonnellerie est officiellement dans le déni et cherche à noyer le poisson. La situation est équivalente a ce que nous avons connu avec le liège il y a 20 ans. Les tonneliers sont très préoccupés car ils ne sont pas capables de maitriser seuls le problème ». A son tour, la fédération des tonneliers a fait savoir que Chatonnet n'est pas neutre car il commercialise aussi un outil de contrôle de contamination et que ses recherches étaient incomplètes, déclaration d'experts concurrents à l'appui. N'empêche. Nous avons demandé à Cédric Jaeglé, président de la commission technique de la fédération, de réagir : "La fédération répond à ces attaques, admet qu'il y a bien problème, qu'elle se préoccupe sérieusement des questions sanitaires (chlorophénols) et organoleptiques (chloroanisoles). Nous n'avons pas agi en urgence pour la raison que nous voulions que le diagnostic soit assez complet mais avons mis en place des recommandations au travers de notre charte de bonnes pratiques via les procédures HACCP (Ndlr, le système qui identifie, évalue et maîtrise les
dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments)". Tous les tonneliers ont-il pris en compte ces recommandations ? Touchons du bois.



 Stéphane Chassin, le tonnelier indépendant qui monte en Bourgogne 

Ils sont quelques-uns, « petits » tonneliers à avoir une grosse côte, André Vinet, Max Chambeaud, Atelier Centre-France, Darnajou...et Stéphane Chassin. Cet ancien de Seguin-Moreau qui a appris par l'illustre père de Jean Vicard, s'est lancé confidentiellement, à Rully en 2005. Fou de vin (il va goûter chez ses clients), il a eu sa première émotion à 25 ans chez Ramonet, vigneron devenu client comme le sont devenus par la suite Cécile Tremblay, Vincent Dancer, Le Clos-de-Tart, le Château de la Tour, Goisot, Tissot, Ganevat, Raveneau, Serafin, Arlaud, Geantet-Pansiot et, récemment le Domaine de la Romanée-Conti (en complément de François-Frères). Le secret du succès ? « Prendre son temps, en simplicité », avec une rigueur constante depuis le choix des merrains (chez Camille Gauthier fille & fils à Méry-es-Bois) maturés longuement, et usinés au ressenti. Résultat : seulement 5000 futs/an, des prix raisonnables (600 € pièce) et une liste d'attente...à la bourguignonne.


Stéphane Chassin, un tonnelier exceptionnel   
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« En chiffres »

Le bois neuf ne représente que 3% de la production mondiale de vins.

Les deux plus grands chais à barrique au monde sont celui de la Bodega Juan Alcorta (70.000 fûts) et celui du Groupe Castel, à Blanquefort (50.000 fûts).

La France est leader mondial avec 500.000 fûts produits chaque année, le tiers de la production mondiale de futs. Une large part de la production mondiale est utilisée par la production d'alcool (le Bourbon, par exemple, doit passer en fûts neufs).

Independant Stave Company (marques : World Cooperage, Tonnellerie du Monde, Quintessence) est leader mondial.

La France compte 65 tonneliers environ. Les 10 leaders font 80% des volumes.

Derrières les marques, les cinq Groupes leaders

François Frères, coté à Euronext, est leader (140 M€ env.). Il possède Radoux, Demptos, et le hongrois Trust.

Seguin-Moreau (filiale du Groupe Oeno) possède la société Boisé France.

Chêne et compagnie (Taransaud, Canton, Kadar, Garnier, Thales).

Groupe Charlois (Saury, Berthomieu, Leroi, Ermitage).

Vicard possède Cadus.
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Le chêne, trésor de la nature.

Quercus, l'espèce mère de tous les chênes, compte plus de 400 espèces parmi lesquelles quercus robur, le nom vernaculaire du chêne pédonculé (ou rouvre), quercus alba (chêne blanc d'amérique), quercus petraea (Chêne sesille), quercus suber (chêne-liège) ou même quercus acutissima (au Japon et surtout en Chine).

Le pédonculé pousse dans des sols riches bien pourvus en eau qui favorisent une croissance rapide et produisent des bois à grain assez gros surtout adaptés aux élevages d'alcools. Assez riche en tanins et peu aromatique.

Le sessile, plus recherché, est à grain plus fin, spécialement dans les hautes futaies. Il a un taux assez faible et tanins mais est riche en composés d'eugénol (clou de girofle) et methyl-octalactone (bois frais et noix et coco).

Dans l'Allier, Tronçais, fleuron d'un système forestier de hautes futaies impulsé sous Colbert dès 1670 (pour des bois long et droits pour la Marine), compte quelques-uns des chênes les plus vénérables de France, tels le Saint-Louis (parcelle 232) ou le Sentinelle (parcelle 136), de plus de 400 ans. En revanche, le plus vieux chêne de France (1200 ans) serait celui d'Allouville (Seine-Maritime).


4 mots qu'il faut connaître

Débitage

Après abattage, les grumes (troncs dont on a coupé tête et branches) sont débités transversalement en billons puis en merrains, par fendage, dans le sens des fibres du bois (le sciage rend le bois de chêne sessile ou pédonculé trop poreux) ou sciage (pour le chêne blanc américain car ses thylles – fibres – sont plus épaisses ; plus rentable car 50% de pertes contre 80% pour le fendange) en éliminant l'aubie (csous l'écorce) et le cœur extrême pour ne conserver que le duramen (bois fin).

Séchage

On empile les merrains en tas parallélépipédiques que l’on laisse sécher au grand air (soleil, pluie, vent) pour dégrader les tanins lessivables et hydrosolubles, éliminer les goûts séveux et faire évoluer le profil aromatique des bois. On passe ainsi de 70/80% d’humidité dans un bois vert à idéalement 14-16%. Polémique : on peut accélérer artificiellement le séchage en arrosant les merrains et en utilisant des étuves-séchoirs ? La pratique est néanmoins courante.

Usinage (des merrains)
On transforme le merrain en douelle en travaillant sur ses six faces par écourtage, évidage d'une partie du bois sur une face du merrain pour faciliter le cintrage, dolage (bombe l’autre face du merrain et donne la forme concave), fléchage (forme en fuseau ) et jointage (donne un léger angle aux deux chants du merrain pour une bonne étanchéité entre les douelles).

Bousinage

Seconde chauffe, dite aromatique. Diminution des arômes végétaux de chêne frais, noix de coco, cuir et terre. La teneur en vanilline et aldhéhydes augmente au début du brûlage puis se dégrade à partir d’une chauffe forte. Apparition des phénols (arômes épicés, grillés, fumés et boisés issus de la dégradation des lignines) et des furanes (arômes de pain grillé, caramel et amande issus de la dégradation de la cellulose) avec l’intensité de la chauffe.

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Un business écolo ? 

Sur une parcelle d'un hectare, Il faut 200 ans pour faire naître 100 chênes. Ils vont générer 200 barriques. (2 fûts/arbre). Résultat : 50 kg de bois qu'on va expédier à l'autre bout du monde (80% d'export) pour qu'au final seulement 5 à 10 kg de bois - la couche intérieure des barriques - interagissent avec le vin...