mardi 12 avril 2011

CINQ FOIS VIN(gt)+ le Rouge+le Blanc=27

Je vous balance le mode d'emploi du titre, indispensable, étant donné qu'en un éclair je me suis pris pour John Forbes Nash. Il fallait bien un génie du chiffre (Nash, pas moi bien sûr) pour évoquer un magazine rare et précieux et pas seulement en sa centième livraison.


REWIND : 100 = 20 X 5. Jusqu'à là, ça va ?
Or 20=20 (sinon, où va-t-on?) mais aussi 20=VIN(gt).
Si vous croyez que je ne vous vois pas venir avec votre question : "mais quel rapport avec Stendhal?" Je m'y attendais et je vous réponds derechef : Aucun, bien sûr, car le Rouge & le Blanc n'a rien à voir avec Stendhal qui, lui, ne s'intéressait qu'au rouge et au noir et commit quelques grosses bêtises sur le vin, au passage, comme nous le rappelle très justement Pierre Veilletet en page 130 de son indispensable opus "Le vin, leçon de choses" (Arléa, 1997). "Sans ses vins admirables, écrit Stendhal, je trouverais que rien au monde n'est aussi laid que cette fameuse Côte d'Or".

Stendhal, au piquet.

Donc, le Rouge & le Blanc, rien d'autre. Ca va toujours ?

Ok, je continue. Fastoche, le reste, je vous le promets. Hormis "27" qui fait référence à la VINgt-septième année d'existence du magazine (créé sous Fabius, j'avais douze ans, bigre), il n'y a plus rien à compter puisque ce magazine pas comme les autres n'a jamais compté sur la pub pour survivre. Anachorèse.

Après tous ces chiffres, ce qu'il faut retenir de ces 100 numéros, c'est surtout une histoire de mots. Et de fragilité, l'un des mots les plus jolis de la langue française.

Pas besoin d'être agrégé de Lettres pour comprendre qu'en Primeurs, le compte n'y est pas. Il faut du temps pour apprécier un vin. Que l'on soit un professionnel de la profession payé pour boire ou un homme sans qualités, simple buveur qui paie pour boire.

N'ayez jamais peur des mots, ne vous affublez pas de tous les maux si vous ne parvenez pas à décrire le vin en bouche. Ne vous sous-estimez pas comme ça tout le temps. Que l'on soit néophyte intégral ou que l'on déguste des milliers de vins comme je le fais tous les ans, les mots ne jaillissent pas toujours si facilement. Je vous avouerais même que plus ça va, plus c'est coton. Alors, autant ne pas en faire une maladie dès le début. Ouvrez vos écoutilles, c'est tout. Avant une dégustation publique, depuis belle lurette, je dis toujours ceci à mes convives : "Ceux qui savent déjà des choses sur le vin, eh bien qu'ils oublient tout ce qu'ils savent; ceux qui croient ne rien savoir, eh bien qu'ils l'oublient". Au cours d'un dîner récent auquel il m'avait convié, j'ai été très touché d'entendre François Audouze dire au mot près la même chose devant les bouteilles que nous nous sommes envoyées ce soir-là, Champagne A. Salon et Bollinger, Romanée-Conti, Ducru-Beaucaillou, Yquem, Petrus...Le propre d'une dégustation de vin, c'est qu'on ne sait jamais - jamais - à l'avance ce qui va se passer. Sans prise de risque, pas de surprise.

A Pupillin, sur le pas de sa porte, maître Yoda-Pierre Overnoy, avait prévenu, dès notre première rencontre, en citant Alain Chapel : "Le grand vin c'est quand tu fermes ta gueule". J'ai mis des années à piger une phare comme celle-là, je me fous que vous me preniez pour un branque en lisant ça car c'est l'exacte vérité, à raison de trois milles bouteilles dégustées par année, j'ai mis au moins dix ans à commencer à comprendre.

Devant un grand vin, on est à poil. Eparpillé comme je nous y vois, façon puzzle.
Tout le vin est là. On ne décide pas de faire sortir les mots devant le vin, c'est le vin qui se joue de nous. On ne parle pas du vin, c'est le vin qui parle de nous.
Si le vin est là depuis 7000 ans sur la route des hommes, c'est bien pour nous libérer de quelque chose, alors ne nous enfermons pas dans le labyrinthe des mots.

Dans ce numéro 100, Jean-Louis Subtil, qui porte décidément bien son nom, évoque méticuleusement la minéralité, descriptif du moment qu'il faut prononcer en société et que Molière aurait rendu si savoureux dans ses Précieuses ridicules. Pour mieux redire, à l'aide du vin, que seul importe, le temps d'une dégustation, notre réenchantement du monde.