lundi 14 mars 2011

UN DIMANCHE SOIR AUTOUR D'UN SANCERRE SIDERANT


Encore un vin qui va peser lourd dans ma mémoire.
Un petit caillou de plus sur la route de mes souvenirs. J'ai un mal fou à vous en parler - les plus grands vins nous font tous le même coup -, de ce Sancerre blanc 1996 signé Vincent Pinard. Quand je l'ai dégusté la première fois, il y a deux ans, dans la cave du vigneron, j'étais resté bouleversé par ce nez si intensément parfumé de truffe blanche, conquis par cette bouche pure et fraîche comme un torrent de montagne.

Je dois vous mettre au parfum, je suis surtout devenu journaliste pour vivre ce genre de moments, bien plus que pour l'amour de l'art. J'ai eu le grand privilège de pouvoir repartir du Domaine avec une seconde bouteille de ce vin dans le même millésime. 1996.

Quand on a la chance d'avoir une cave, il faut savoir prendre, de temps en temps, quelques minutes pour tenir compagnie à ses vins. On sort ici ou là une bouteille de son casier, on la caresse, on lui glisse un ou deux mots grivois à l'oreille. Et on la remet à sa place, avec le bel espoir qu'elle fera son boulot.

A chaque fois que je regardais cette bouteille de Sancerre, j'avais évidemment en tête ce souvenir de truffe blanche dont je viens de vous entretenir. Hier soir j'ai eu envie de le retrouver.Or s'il  y a une chose que j'ai appris du vin c'est bien ça : il n'y a pas de grand vin, rien que des grandes bouteilles. C'est Claude Chabrol qui me l'avait malicieusement dit en me racontant l'histoire de ces trois bouteilles de Nuits Saint-Georges 1945. Il les avait acquises d'un un ami à lui - dont je dois taire le nom - qui arondissait ses fins de mois en rachetant des caves de veuves. Cet ami en question avait trouvé le filon idéal pour faire main basse sur de précieux et "encombrants" flacons qu'adoraient leurs défunts époux. Claude Chabrol avait pu rafler in fine ces trois bouteilles. Elles provenaient du même vigneron, du même millésime, n'avait jamais quitté leur place en cave durant toutes ces années...mais s'étaient montrées si différentes les unes des autres....

Le vin ancien ancien, c'est ça. Un risque que l'on prend, et qui vous caresse soudainement l'échine. Et déçoit, parfois. Bon, et alors ? Quand la mort frappe une bouteille, il faut s'incliner. Et puis c'est tout, pas question d'en faire une maladie. Les feux d'artifices n'en sont que plus beaux quand, un dimanche soir, une bouteille décide de vous donner tout ce qu'elle a.

C'est l'une des clés pour comprendre le vin et avoir accès au plaisir : les plus grandes bouteilles, d'où qu'elles viennent, se rejoignent toutes. Je dis bien d'où qu'elles viennent. Quand un vin de Sancerre est présent comme celui-là, il est tout aussi grand qu'un Montrachet de la Romanée-Conti, qu'un Hermitage blanc de Jean-Louis Chave ou qu'un Yquem.

C'est pas ma photo - parfaitement dégueulasse, du reste, sorry - qui dira quoi que ce soit sur ce moment torride, hier soir. Le mieux serait quand même de vous extraire en douce de l'autoroute A77 par la sortie n°24. Encore 6 petits kilomètres et vous êtes à Bué.

Domaine Vincent Pinard
18300 Bué.
Tél. 02 48 54 33 89.