vendredi 16 avril 2010

Bernard Giraudeau, la grâce comme un bijou que l'on porte trop rarement sur soi






J'écoutais ce matin Esprit critique, la formidable émission de Vincent Josse sur France Inter. Elle était consacrée ce vendredi 16 avril à la bibliothèque de Bernard Giraudeau.




Pour être tout à fait franc, je ne l'ai pas trouvé en grande forme notre Giraudeau de choc, ce matin. Je le sais atteint d'un second cancer, ce n'est un secret pour personne, mais ce matin, je l'ai trouvé épuisé, ça m'a rendu triste. J'aimerais lui dire, j'aimerais vous dire que cet homme-là est l'un des petits cadeaux qu'offre la vie pour beaucoup d'entre-nous. Il y a du monde dans cet homme, sa vie est tout en raffinements de l'âme, avec du théâtre, puis du cinéma, puis de la la vraie et grande littérature (jetez-vous sur son chef d'oeuvre, Le marin à l'ancre, paru chez la grande éditrice Anne-Marie Métailié). Abstract de l'éditeur : Roland y est paralysé et cloué dans son fauteuil roulant. Bernard, lui, est acteur, il a été marin et parcourt le monde. Pendant plusieurs années, il a écrit à son ami, le faisant ainsi participer à ses aventures sportives, théâtrales, cinématographiques et personnelles. Il a voyagé pour lui. Loin du tourisme et de l’auto complaisance, ces lettres forment un récit hors du commun, mêlant les souvenirs du marin de dix-sept ans qui découvrait, dans l’innocence, le monde des ports et les femmes (la petite infirme de Diego Suárez, la geisha de Kobe, la dame de Balboa...) aux réflexions et aux sentiments de l’homme qu’il est devenu. Et qui se cherche de la Transamazonienne à la Patagonie et à l’Afrique, sensible aux injustices, aux parfums, à la sensualité, aux femmes.
Chronique d’une amitié sans pathos, ces lettres révèlent un regard précis et original servi par le style à la fois brutal et lyrique d’un " homme qui court par peur de tomber ".

Et puis Bernard Giraudeau c'est pour moi aussi le souvenir d'un autre Bernard, Rapp, encore un grand bonhomme. Si vous ne deviez voir qu'un seul film de de Bernard Rapp, ce serait celui-là : Une affaire de goût (fiche : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=23997.html), sorti en 1999.

Au cinéma, le grand oeuvre de Bernard Giraudeau, pour son toucher de cachemire, c'est incontestablement Les caprices d'un fleuve (fiche http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=14356.html), dans lequel je me replonge de temps en temps. 



Ne mégotons pas sur la grâce. Ou bien ne fumons plus.








jeudi 15 avril 2010

Dans la série CHEAPEST BEST WINES OF THE WORLD, le Porto QUINTA DE VARGELLAS de TAYLOR


Il y a quelques semaines, j'ai initié rien que pour vos yeux une série diabolique : Les moins chers des plus grands vins du Monde. Vous-vous souvenez?
Après l'EAST INDIA XERES d'EMILIO LUSTAU, je continue ma série avec ce Porto absolument renversant. Justement, asseyez-vous, ça vaut mieux, je vais vous raconter.
C'est tout simple.
Imaginez que vous êtes en bas d'une échelle. 
Vous savez juste que le vin, ça se fabrique à partir du raisin. 


Montez d'un étage.
A ce moment, vous savez que la douceur et puissance d'un grand Porto, comme tous les vins dits "mutés", ça vient du "mutage". Dans la cuve, quand le raisin commence à fermenter (et donc à transformer son sucre en alcool), on ajoute à un moment précis, une quantité non moins précise d'eau-de-vie de vin (qui titre environ 77 % vol). Résultat? L'eau-de-vie stoppe l'action des levures qui, dès lors, ne peuvent plus transformer le sucre du raison en alcool . Dans la cuve, le jus est délicieusement fruité et sucré. C'est parfaitement normal puisque ce sucre n'a pas eu le temps de se transformer en alcool. Quand on goûte ce jus, alors, d'où provient la sensation d'alcool? De l'eau-de-vie ajoutée, bien sûr. Jusque là, vous suivez, tout va bien. 


Montez d'un étage. 
Ce sont les simples Portos Ruby, sans aucun intérêt pour l'esthète dans 99,9% des cas. Les mauvaises langues disant "portos rebus" pour les qualifier (il est bon de rire un peu).


Montez d'un étage.
Ce sont les Vintage Character, que l'on appelle maintenant Ruby réserve ou Finest réserve. Attention, les vintage character n'ont rien à voir avec les Vintage dont je parlerai plus loin. Attention au marketing, les Maisons de Porto savent y faire, comme les Maisons de Champagne.


Montez d'un étage.
Ce sont les Portos Tawny et le Colheitas (ce sont les Tawnys millésimés donc issus d'une seule année censée être bonne). Ils ont vieilli au minimum 5 ans dans des barriques de chêne. Au contact de l’air et du bois, ces vins se sont oxydés. Les plus vieux ont subi ce vieillissement pendant plus de 40 ans, certains sont de petits vieillards cacochymes et pas propres du tout, d'autres sont tout bonnement extraordinaires.


Montez d'un étage. De là, vous devez apercevoir Montmartre.
A cet étage on arrive surtout au niveau du Porto Late Bottled Vintage (L.B.V.), Porto issu d’un seul millésime, et d'un bon millésime, mis en bouteille après un vieillissement de 4 à 6 ans, donc tardivement (d'où le Late bottled). Sa capacité de garde n'est pas formidable en bouteille et je déconseille de le conserver en cave trop longtemps.


Montez encore d'un étage, vous n'êtes plus loin du but. Vous apercevez les alpes et même le Mont Blanc.
Là se trouve le Vintage Port, issu exclusivement d'un millésime censé être d'une qualité exceptionnelle. Les raisins proviennent de la plus qualitative des 6 catégories possibles. Le vin est élevé en fûts de chêne pendant 2 ans. Résultat? Des arômes d'une noblesse qui peut être inouïe. Si vous apercevez en magasin des bouteilles estampillées  Crusted Port, sachez que sont des assemblages de plusieurs années mais élevés en fûts comme des Vintage Ports. 


Montez encore jusqu'au niveau ultime, le Vintage single quinta. Un Vintage qui provient d'un seul domaine au terroir bien défini (un domaine se dit quinta - prononcez kinta - en portugais). C'est là que j'en arrive à ce Porto de rêve de la quinta de Vargellas, située dans un recoin complètement paumé de la vallée du Douro. C'est la Maison Taylor, Fladgate & Yeatman qui possède cette quinta   où tous les soins sont prodigués pour donner naissance au plus grand vin possible.


On ne boit pas un vin pareil, c'est lui qui vous voit, vous engloutit, vous submerge. Les mots ne viennent pas, c'est normal. Laissez les longues phrases en sauce aux journalistes et aux sommeliers, le vin c'est un sentiment, tout ne s'explique pas. 


Le prix de cette splendeur non plus, 55 euros seulement le 2001 sur un site comme wineandco, par exemple. Que ça reste entre nous.







mercredi 14 avril 2010

L'AUBRAC, rapsodie pour jaja et viande rouge



Parigot comme moi, ne cherchez pas, on n'en fait plus. Le moule est cassé.

Parigot ça veut dire aussi se relever en pleine nuit à 3 heures parce qu'on vient de rêver d'une côte de boeuf. Et quand on se réveille en pensant à ça, faut conclure. Lorsque vous serez dans le sapin, y aura plus rien à conclure, l'affaire sera déjà dans le sac.

Jadis, j'ai habité à quelques mètres du boulevard Montparnasse, pendant mes chères études. Je me rendais souvent au "Module", à deux pas de La Coupole et du Sélect. Ah le Module! impossible de s'y retrouver marron : 7 jours sur 7, jusqu'à 6 heures du mat', on pouvait s'attabler devant un honnête frichti, tout simple, mais pas en rêve. Le premier Libé du matin arrivait tout chaud. En solution de repli, dans mon quartier, il y avait aussi le Drugstore, au coin de la rue de Rennes et du boulevard Saint-Germain. Ah, vous aussi, vous avez connu?

Le temps a emporté avec lui les rires des enfants que nous fûmes (la fumée, ça ne nous dérangeait pas du tout, on fumait tout ce qui prenait feu, mais ça c'est une autre histoire).
Le Module a fermé et a été racheté par la chaîne de restauration vomitive "Chez Clément". Le Drugstore s'est transformé en magasin Armani. Séquence "prends l'oseille et tire-toi!"

Dîner au coeur de la nuit à Paris, c'est encore possible, plutôt rive droite du reste. Dans le 18e, le 20e, le 17e, le 9e.
Dans le 8e, sur les Champs, une artère attire les viandards de tout poil, la rue Marboeuf.
Au 37, lever de rideau 7 jours sur 7, 24 h sur 24 à l'Aubrac. Mine de rien, ça dépote, à l'Aubrac. Grosso modo 500 couverts par jour. Oui Madame. Une bidoche en direct (le tôlier est éleveur dans l'Aveyron), une carte des vins de première bourre.
Sachez-le puisque c'est tout neuf, une autre mélodie se joue aussi en sous-sol, oui Madame, à la même adresse, c'est le chef Laurent Durot qui m'a affranchi aujourd'hui même. Vous voyez bien que je vous ai à la bonne, j'ai fait fissa pour vous affranchir vous aussi. Ce clandé (qui maintenant n'en est plus un) est une salle de jeu où l'on s'adonne au Multicolore. Mais non Madame, pas le jeu, le picrate! Dans les trois couleurs, rouge, blanc, rosé et sur table, à tous les coups on gagne. Rien que du jouissif, du beau carbure, du festif. Jamet, Janasse, Uroulat, Beaucastel, Jacquesson, et tout. Puisque je vous dis.

La maison de l'Aubrac, 37 rue Marboeuf 75008 Paris, Tél. 01 45 61 45 35.

mardi 13 avril 2010

Une coupe de Champagne avec Eric Rohmer






Perceval le gallois, une sacrée expérience de cinéma, le génie de Rohmer, un conquérant de l'inutile qui vient de nous quitter. Et son Perceval, Chevalier de la Table Ronde, à la quête du Graal, comme quelques-uns d'entre-nous.
Moi, je me contente de faire trempette dans une coupe de Champagne.
Mais pas n'importe lequel, qu'est ce que vous croyez? Bienvenue dans la Côte des Blancs, à Cramant, chez les Lancelot-Pienne (ça ne s'invente pas, et c'est même içnouï, dans la vraie vie, le vigneron Gilles Lancelot a épousé sa femme, née Céline Perceval), auteurs de ce Perceval 2005 (vendu autour de 37 euros pièce).
Champagne Lancelot-Pienne. Ca ne vous dit rien? Normal, ce n'est pas une marque mais un vrai Domaine vigneron format mouchoir de poche. Pas de quoi dégainer ses kleeenex, les vignes sont souriantes, en pleine forme, et pas à coup de chimie (contrairement à tant de leurs voisines champenoises, voir la-dessus une émission édifiante d'A Bon Entendeur consacrée aux coulisses du business du Champagne, c'est ici www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=311201&sid=7344441).
Un authentique artisanat comme on les aime. Quand on comprend une bonne fois pour toutes que le Champagne n'est pas une marque - que le marketing fait rentrer dans nos caboches à coup de marteau - mais surtout du vin. Oui, du vin, de la gaieté, quelque chose de pur et d'élancé en bouche, du glamour comme cette fille que vous avez croisée ce soir dans la rue en rentrant chez vous, ah, vous y êtes, cette seconde d'éternité, vous n'avez pas pu l'oublier, dites. Eh bien le Champagne, c'est pareil. Le vrai Champagne, on en tous besoin pour cette raison-là. Il faut vivre puisqu'on est là.

Copyright photo Thomas Bravo-Maza 2010.