jeudi 11 mars 2010

Une aventure en Californie avec un Saké































On ne quitte pas l'Amérique comme ça. On a beau dire ce qu'on veut, l'Amerique même pour un petit reportage d'une semaine en Californie, c'est quelque chose, la veille de reprendre l'avion, le coeur se serre, vous repensez à toutes ces émotions, à toute la route parcourue au volant de votre Pontiac en écoutant la radio à fond le coude au carreau, à ces gens du vin qui vous ont pris sous leur aile, avec qui vous avez passé des moments de fraternité - le vin c'est ça aussi - dingues. Ah, la Californie du Nord, faut voir ça avant d'entrer dans le sapin.

Ce soir-là, pas loin de mon hôtel, à Sausalito, c'était un restau japonais - son nom : Ran - que j'avais mis au programme de mes visites. Deux trois bribes d'infos sur l'endroit en tête, c'est tout. Pas réservé, pas moyen, au téléphone, la demoiselle au bout du fil m'avait gentiment éconduit. Vaille que vaille, je traverse la petite ville et je décide de tenter le coup. "Il faudra attendre 10 minutes, Monsieur" me répond le sylphide postée à l'accueil. Dans un restaurant dont vous allez tomber amoureux, vous le savez, tout est joué dans les premières secondes, là, bing, je sens qu'on va s'occuper de moi, qu'on a bien compris que j'ai faim, que j'ai besoin d'être "restauré", pas vrai? En cinq minutes, ma table sera mise, vous m'imaginez alors jûché sur mon tabouret de bar, serviette autour du cou, miaulant de plaisir à chaque passage de notre sylphide décidément inoubliable.
Le reste se passe presque de tout commentaire. Une salade, un peu de poisson cru, un assortiment de desserts.

Et du Saké, que l'on devine, dans son bol.

Entendons-nous bien : le saké est un vin - ou une bière - de riz. Et non, comme le croient 89,9% des français, cet alcool vomitif chinois servi par des chinois dans les faux restaurants japonais de la capitale ou d'ailleurs. Le vrai Saké, ça n'a rien à voir avec cette merde qui fait, du reste, autant honte à la Chine.

Le vrai grand Saké, c'est aussi noble qu'un Chambolle-Musigny de la Combe d'Orveau, qu'un volcanique Savennières ou qu'un Riesling Brand. Pas moins.

Mais c'est du riz, le Saké! Oui, mais pas n'importe quel riz, mesdames messieurs.

Et puis, on ne passe comme ça du riz au Saké, en distillant le tout sans y penser. On est au Japon, mesdames messieurs.

WASA - MIZU - KOME

Ce sont les trois critères qui distinguent le Saké du vin.

Wasa, le savoir-faire. Primordial, le rôle du toji, ou chef de production, impacte, par la tradition et un certain goût du secret, le style du Saké.

Mizu, l'eau. Sa pureté est déterminante.

Kome, le riz, enfin. de variété Miyamanishiki, Gohyakumangoku ou, considéré par beaucoup comme le plus fin, le Yamadanishiki, un riz qui donne les grands sakés Ginjoshu ou Daiginjo.

Kome, encore : le polissage du riz est une opération capitale. Un bon saké doit voir son riz poli à plus de 30% car c'est le polissage qui permet d'éliminer les impuretés.


Ce génial Saké avec lequel j'ai pensé à vous - je pense à vous bien plus souvent que vous ne le croyez - c'était un Daiginjo Junmai, poli à 48%, provenant de la plus vieille maison du Japon, Sudo Honke cuvée Sato No Homare, mis en bouteille le 24 aout 2009. Moi, la précision, j'aime ça.

Je n'étais même pas dans un jardin, j'étais rendu dans ce tableau de Van Gogh comme dans le film de Kurosawa, "Rêves".

Une douceur infinie. Une expérience qui vous rend attentif aux choses.

C'est ça le grand Saké, ça vous force à faire l'effort d'être attentif. Et ça vous le rend au centuple. Je suis jamais contre un peu de générosité.


Le lendemain, le neige avait fondu, douze heures d'avion m'attendaient avant de retrouver le bercail.