mercredi 23 décembre 2009

QUAND LE BOULANGER NOUS ROULE DANS LA FARINE...








Les fêtes approchent, le pain sera en vue sur nos tables. Mais de quel pain parle-t-on au juste? Voici le résultat de mon enquête parue dans le magazine GaultMillau de novembre-décembre.





Symbole d’art de vivre à la française, la baguette est aussi un business très rentable. Au secours ! Au fournil, la malbouffe gagne du terrain, les renoncements assaisonnent le pain à toutes les sauces. Mais où est passé le bon pain ? Révélations croustillantes.



Trois heures du matin. Paris dort encore à poings fermés mais une irrésistible odeur s’échappe du fournil de Christophe Vasseur, rue Yves Toudic, à tire d’aile du Canal Saint-Martin. Des idées, cet artisan n’en manque pas. A 30 ans, après une école de commerce, il se rend vite compte qu’il perd sa vie à la gagner. C’est décidé, après son CAP en boulangerie, il troquera son costume-cravate contre un tablier de mitron. La petite boulangerie « Du pain et des idées » ouvre dans la foulée en 1997. Le manque de personnel, problème récurrent en boulangerie ? Connaît pas. Christophe a concocté un astucieux système de stages pour attirer les plus motivés. Sam Young, la talentueuse responsable de l’équipe de nuit est, du reste, japonaise. Sa petite équipe s’active en silence. Attention : c’est le moment du frasage (mélange les ingrédients). Une évidence : l’incorporation du levain – bien plus subtil que de simples levures industrielles – demande précision et doigté dans les durées et températures de fabrication. Ensuite, pointage – durée pendant laquelle la pâte lève -, pétrissage, division, détente, façonnage, apprêt, grignage (scarification), cuisson et le tour sera joué. Cinq heures : petite pause après deux petits tours de pétrin, juste avant d’enfourner viennoiseries, miches et baguettes qui font la réputation de cette boulangerie d’exception. Sept heures, la boutique ouvre ses portes. Dans les minutes qui suivent, la file d’attente des clients s’allonge déjà. Le bon pain fait encore recette.

Officiellement, les instances représentatives de la filière boulangère et minotière se frottent les mains, tout va bien merci ! Enrayée, la vertigineuse chute de la consommation de pain depuis le début du siècle (900 gr. par jour et par personne en 1900 contre 140 gr. en 2009). Eradiquée, la standardisation du goût avec le lancement de la « baguette de tradition française », en 1993 ! Penchons-nous pieusement sur le message de Jean-Pierre Crouzet, patron de la CNBPF, Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française : « Vous trouvez dans plus de 35 000 points de vente (32.600 boulangeries, Ndlr), encore chaud, le pain qui a été pétri, façonné et cuit pendant plusieurs heures dans le fournil. Sans surgélation, ni réchauffage. Cette fraîcheur et cette transparence, seul votre boulanger-pâtissier peut vous l’offrir ».

Le seul hic : la réalité réduit trop souvent en miettes cette image idyllique à la Pagnol. Sincère, inventif, le président Crouzet fait pourtant preuve d’une vraie pugnacité depuis son arrivée en 1998. Mais le poids des forces économiques en jeu est tel que la filière du pain n’a pu résister à la progression, incontestable, de la malbouffe dans le pays. Pour bien comprendre, reprenons un à un les arguments de la CNBPF. La filière a bien réussi à stopper dans les années 1990 la chute de la consommation de pain dont la qualité s’était scandaleusement dégradée depuis l’après-guerre. Mais à quel prix ? En 1985, tous types de pains confondus, 92% des produits de boulangerie étaient frais…contre seulement 18% en 2007. Les parts du surgelé (cru ou, encore pire, précuit) ont, sur la même période, littéralement explosé (+1050% en 22 ans, source FEBPF). Sidérant.

La « baguette de tradition française », n’est-ce pas, en revanche, une grande réussite ? Son cahier des charges de production, établi en 1993 (décret 93-1074 du 13 sept. 1993), a de vrais atouts pour l’amateur de pain de qualité : congélation interdite, composition sans additifs – et notamment l’acide ascorbique, accusé de dénaturer le goût -, exigence d’un long « pointage », fabrication sur lieu de vente. Sur le papier tout est parfait. Seulement voilà, dans les faits, 16 ans après son laborieux démarrage, l’excellente baguette de tradition française peine à s’imposer et ne se taille que 18% du marché. Plus de 75% du pain vendu en 2009 est à proprement parler du « pain courant français ». En clair, un pain d’une attristante médiocrité, bien souvent. Son élaboration permet de nombreuses dérives, parfaitement légales, du reste. Sur la liste longue comme un jour sans pain des 106 additifs alimentaires autorisés dans l’Union européenne, 14 d’entre eux peuvent être utilisés dans son élaboration (E300, 301, 302, 304, 322, 471, 270, 325, 326, 327, 260 à 263).

Le seul intérêt du « pain courant français » ? Il est rentable. Très rentable. Démonstration : sur 82 centimes que nous payons en moyenne cette baguette de pain ordinaire, la matière première représente entre 12 et 20 centimes, l’énergie 3,2 centimes, le loyer du boulanger 3,2 centimes, les autres charges fixes (impôts, emballage, honoraires, assurances, amortissements) 14 centimes. Reste la masse salariale et la marge : entre 40 et 50 centimes en moyenne, confortable, non ? Et lorsqu’on est industriel du pain, les coûts de production fondent comme neige au soleil. Surtout lorsqu’on se nomme Panavi.

Le grand public n’est pas censé connaître l’existence de cette entreprise discrète, créée en 1985. Pour la petite histoire, le plus gros boulanger français est…belge. Son credo : le surgelé. "Le marché européen des produits de boulangerie surgelée connaît une croissance de 5 à 10%", expliquait récemment Jean Vandemoortele, patron du Groupe multinational Vandemoortele spécialisé dans le business des margarines et huiles de cuisson. Valeur du rachat de Panavi par Vandemoortele en 2008 ? Top secret. Mais l’affaire n’a pas dû mettre Vandemoortele dans le pétrin puisque la montée en puissance du chiffre d’affaires de Panavi est digne d’un avion de chasse : 8,1 millions en 2001, 260 millions d’euros en 2008 ! Petit détail croustillant : selon nos informations, 70% des 17 millions de galettes des rois écoulées en France chaque année viennent également de chez Panavi.

Est-ce à dire que tous les pains fabriqués à grande échelle sont systématiquement synonymes de piètre qualité ? Certainement pas. La grande distribution sait élaborer, lorsqu’elle s’en donne les moyens, des pains forts en goût, dans le respect de l’environnement, à l’image de la « boule bio Carrefour », lancée dès 1994. Son cahier des charges de production contrôlée ? Vraiment rien à redire : levain bio, blé cultivé et conservé selon les règles de l'agriculture bio, mouture exclusivement à la meule de pierre pour conserver entier le germe de blé, eau de source, sel de Guérande, cuisson sur pierre dans un four à sole. De son côté, le Groupe Holder (Saint-Preux, Ladurée), propriétaire de la chaîne de boulangeries à l’enseigne Paul, y propose globalement une qualité assez honorable.

La vérité que la profession boulangère n’aime pas voir énoncée au grand jour, c’est celle ci : contrairement à ce qu’on pourrait penser, la garantie d’un bon pain n’est pas forcément meilleure en l’achetant chez notre « artisan » boulanger de quartier (62,7% du marché). Les consommateurs, sont, certes, défendus par la loi 98-045 du 25 mai 1998. Elle stipule que « ne peuvent utiliser l’appellation de Boulanger (…) les professionnels qui n’assurent pas eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, le pétrissage de la pâte, sa fermentation et sa mise en forme ainsi que la cuisson du pain sur le lieu de vente au consommateur final ; les produits ne peuvent (…) être surgelés ou congelés ». Va pour la théorie. Mais contrôles et rappels à l’ordre de la DGCCRF sont curieusement rares.

Laisserait-on en haut lieu le marché du pain s’autoréguler ? Le colossal poids économique des acteurs majeurs de la filière n’est peut-être pas étranger à cette indifférence relative des pouvoirs de contrôle. A y regarder de plus près, derrière le marketing des marques phares de nos baguettes de pain se ne cache qu’un petit nombre de barons céréaliers qui tiennent le marché en Europe. En 2009, on peut être à la fois au four et au moulin. Qui ne connaît pas Banette ? La marque est détenue par une société détenue par Euromill, filiale de Champagne Céréales (1,8 milliard d’euros de CA en 2008). La célèbre Baguépi ? Le Groupe Soufflet, 1er meunier européen (2,7 milliards d’euros de CA en 2007) en est le discret propriétaire. Qui retrouve-t-on derrière la baguette Campaillette ? Les Grands Moulins de Paris, eux-mêmes détenus par le Groupe Nutrixo…également filiale du géant Champagne Céréales.

Traditionnellement discrets, les meuniers sont au cœur du système. Sans eux, pas de farine, pas de pain. Et pas d’argent non plus. Car bien souvent, ce sont eux qui cofinancent les boulangeries, un sujet délicat que la profession n’aime guère que l’on aborde. Selon nos sources, en moyenne, 15 à 20% du montant de l’investissement total nécessaire pour démarrer une boulangerie affiliée (350.000 euros en moyenne pour une création, 150.000 € minimum pour une reprise de boulangerie) est apporté directement par le meunier qui fournit tout clés en main : formation, aide technique et même quelques « tuyaux » sur les meilleures opportunités où implanter la boulangerie. En échange de quoi ? D’une utilisation exclusive des produits. Et voilà comment on mène subtilement mais sûrement un boulanger à la baguette. Alors, meunier, tu dors ? Dans le business juteux de la boulange, la concurrence fait rage 24 h sur 24.

Une chose est sûre : les industriels qui approvisionnent les boulangers ne connaissent pas vraiment la crise. A l’exemple de ce Groupe belge incontournable pour nombreux boulangers mais totalement inconnu du grand public, Puratos. On ne savait pas que tous ces produits étaient, au fond, tellement indispensables aux boulangers : émulsifiants, mélanges clés en mains pour pains spéciaux (comme la gamme « bake it easy », « Creaplus Mexicano », « Creaplus Provence »), levains déjà préparés (gamme O’Tentic new). L’image du boulanger qui prépare lui-même son levain, patiemment et avec amour, est sans doute ringarde. Mais enzymes et arômes sont, eux, sacrément tendance. L’alléchant catalogue le précise, ce sont des arômes « naturels identiques ». Décodage : de vrais arômes de synthèse (Directive 88/388/CEE), comme cet « arôme de croûte pour séduire davantage l'odorat des consommateurs »…Musique maestro ! Avec la gamme de levains déshydratés et adjuvants aux doux noms de « Tosca pw45 », « Othello pr200 », « Norma » ou « Traviata pr80 » « soft r Cashmere », « Alpaga », « Cotton », ou « Angora ». Franchement, comment faisait-on avant Puratos ?

Pour dénicher pains, viennoiseries et gâteaux déjà préparés, les boulangers sont tout aussi friands des produits proposés par « Coup de pâtes ». Cette entreprise installée en banlieue parisienne a enregistré un bond de 40% de son chiffre d’affaires en 6 ans. Après ça, on ne pourra plus dire que les boulangers ont tous retrouvé le goût du travail à l’ancienne…

La boulange n’a pas su échapper à ce mouvement de fond qui touche tous les autres métiers de bouche. Le règne du prêt à cuire, du semi préparé, du « clé en mains » s’appuie sur une dramatique pénurie de personnel mais fait aussi sacrément gonfler la marge commerciale. A y perdre à son âme, le boulanger peut aussi y gagner sa croûte très confortablement. Selon plusieurs sources qui tiennent à rester anonymes, un boulanger peut alors escompter un salaire mensuel de 6.000 euros par mois ce à quoi s’ajoute une « gratte » de 30.000 euros environ en fin d’année. Des chiffres que le président de la CNBPF n’a pas démentis.
« Boulangers, ne laissez pas tomber le pain français ! » écrivait au printemps Steven Kaplan, dans les colonnes du quotidien Le Monde. Cet américain à Paris, professeur d’université à la prestigieuse Cornell University (New York), est considéré comme l’un des plus fins connaisseurs de la filière. « Où en est-on aujourd'hui ? Interroge-t-il. Sur le plan de la qualité, le bilan est mitigé. (…) 75 % des français (y compris beaucoup trop de restaurateurs, véritable honte !) se contentent de la baguette blanche, souvent lessivée, dénaturée, insipide. « Démission morale » et « professionnelle » : pas de doute, les boulangers se sont laissés abuser par l’industrie sans sourciller.

Et nous avec. Ou donc notre boulanger s’approvisionne-t-il, comment travaille-t-il ? Interrogeons-le, c’est notre devoir. Au restaurant, le pain qui nous est servi est indigne ? Refusons-le. Le boulanger utilise des mélanges clés en mains ? C’est son devoir de chercher à savoir leur composition exacte. Exhausteurs de goût – dont le sel -, conservateurs, arômes de synthèse et autres volumateurs sont autant de cache-misère néfastes pour la santé humaine.

A commencer par celle des enfants. Dans les cantines scolaires, le pain dit « de tradition française » devrait être la règle. Nous acceptons pourtant d’y servir un « pain courant français » objectivement effroyable dont le destin majeur est de finir à la poubelle après le service ? Seules quelques initiatives ont vu le jour, à l’exemple de ce qui est mené en région Poitou-Charentes. L’opération « Pains filous » (des pains de qualité supérieure fourrés au chocolat) ne se cantonne néanmoins qu’au goûter…A quand une vraie prise de conscience des intendants scolaires dans le pays ? Le dogme du « moins disant » si cher aux gestionnaires a déjà détourné les enfants de la culture du bon pain.

Mais le pire dans cette affaire est que nous, consommateurs, avons renoncé à croquer dans une baguette avec joie. Un comble au pays du pain. Ce pain-là que nous acceptons sans brocher, est mou, sans fierté, ne se croque pas, ne se mâche pas. Ou est passé le plaisir ? Où est la sensualité d’une croûte bien dorée, chantante, accueillante ? Où est le bonheur d’une mie confortable et goûteuse ?
Du pain sur la planche. On ne naît pas boulanger, on le devient. Reste à savoir comment car pour attirer les jeunes recrues – une denrée de plus en plus rare -, le référentiel des connaissances indispensables à l’obtention des diplômes a été raboté, à l’image du CAP de cuisine. De trop nombreux jeunes se forment au métier (CAP, Brevet Pro) par dépit, sans l’indispensable passion chevillée au corps. Le résultat est consternant : sur 10 titulaires d’un CAP de boulanger, près de 7 jeunes abandonnent le métier dans la foulée. Un système d’autant plus pervers qu’après 21 ans, sans autre diplôme, la loi ne permet pas, en revanche, de passer un CAP dans un centre de formation des apprentis (CFA). La solution ? Débourser 7000 euros en moyenne dans un centre de formation pour adultes. Une démarche qui n’attire logiquement pas grand monde – 400 personnes par an – même si ce chiffre est en augmentation.

Quand le boulanger se rebiffe. Les boulangers qui refusent de rentrer dans le rang sont plus nombreux à l’image de la réussite exemplaire de Bernard Ganachaud et ses flûtes Gana. Plusieurs minotiers également résistent à la médiocrité à l’exemple des remarquables moulins Decollogne-Lecocq, installés à Precy sur Marne. Car pour faire du bon pain, la qualité de la farine est capitale. Installé à proximité de Rennes, Nicolas Supiot en est d’autant plus convaincu qu’il est devenu un paysan-boulanger, du reste certifié bio (label Nature et progrès). Il ne conçoit son métier sans avoir un contrôle total sur la qualité de ses farines de blé tendre (l’autre nom du froment). Alors que les minotiers évacuent germe et assise protéique du blé pour des raisons pratiques, lui les conserve, valeur nutritive oblige. Autre sujet de discorde : le gluten, substance qui peut provoquer des intolérances alimentaires sérieuses en attaquant les muqueuses digestives. Dans la farine, cette protéine naturelle permet d’enfermer dans le pain beaucoup de gaz et d’eau. Explication : lors du pétrissage, le gaz carbonique cherche naturellement à s’échapper mais il est retenu par la matière élastique du gluten. Dès lors, une farine riche en gluten accélère l’élaboration du pain. Une course à la vitesse et à la rentabilité qui a déjà sérieusement entamé la plus fameuse des exceptions culturelles françaises : le bon pain.

Thomas Bravo-Maza

mardi 22 décembre 2009

Comment j'ai deshabillé une Laville Haut Brion 1948 (SUITE) : LE COMMENTAIRE DE FRANCOIS AUDOUZE

J'ai récemment évoqué le déshabillage en règle d'une bouteille de légende, voici trois commentaires que vient de me faire parvenir François Audouze, le grand spécialiste des vins anciens...

"Pour t'amuser et tu peux les mettre sur ton blog, voici trois commentaires
de Laville 1948 :

1 - Sur des toasts au foie gras et du jambon pata negra, nous commençons par
Château Laville Haut-Brion 1948. La bouteille n’avait pas d’étiquette. La
capsule porte nettement le nom du château, et le bouchon est très lisible.
Seule l’année est difficile à lire. Le 1 et le 9 sont clairs. Le troisième
chiffre est plutôt un 4, et le quatrième est soit trois soit huit. J’opte
pour 1948, car j’en ai. Le niveau est très haut dans la bouteille, proche du
goulot, la couleur est d’un jaune d’or, avec encore le vert de la jeunesse.
Le nez est précis, charmant, très pâte de fruit d’agrumes. En bouche, le vin
est d’une précision rare. L’acidité est forte. Les agrumes sont nombreux. Ce
qui fascine, c’est la complexité associée à une énorme précision.
Nous passons à table, car le vin a été prévu pour le premier plat. C’est une
pomme de terre à la crème de truffe et aux abondantes tranches d’une belle
truffe. Le plat évoque les produits de la terre et le Laville lui donne un
caractère aérien. Il me semble que je suis en train de tenir en bouche
l’accord de l’année. Car tout est d’une subtilité invraisemblable. C’est la
pomme de terre dans sa pureté qui conduit le Laville à étaler la structure
de ses agrumes. Nous nageons dans le bonheur d’un raffinement ultime. La
longueur du Laville 1948 est inextinguible.

2 - Je suis toujours servi par le sommelier des premières gouttes d’une
bouteille, pour vérifier le vin. Comme j’ouvre les vins et laisse la
bouteille verticale, la part du vin qui a été le plus longtemps proche du
bouchon m’est servie en premier. C’est la plus ingrate. Aussi quand
j’annonce à tous que le Château Laville Haut-Brion 1948 est fatigué, tout le
monde me demande ce qui justifie cet avertissement. Et je verrai que les
votes vont me donner tort. Mais ce n’est quand même pas le beau Laville que
j’adore. Couleur dorée, saveur de Graves, c’est un vin à la palette
aromatique plus large que le Pinot Gris Réserve spéciale, Schlumberger 1953
qui est servi en même temps. Vin beaucoup plus joyeux et arrondi que le
Laville, j’ai tendance à le préférer, contrairement à l’avis de la table.
J’aime sans doute que ce vin simple s’exprime avec bonheur ce soir, car cela
fait partie des achats de hasard qui foisonnent dans ma cave, cette
bouteille étant unique et sans possibilité d’un nouvel essai, sauf
improbable découverte dans un recoin caché. L’épeautre est délicieux et
confirme comme pour le premier plat qu’un goût simple, homogène et lisible
est indispensable pour l’harmonie avec les vins anciens.

3 - Le Château Laville Haut-Brion 1948 d’une couleur d’un or joyeux marque
une grande continuité gustative avec le champagne (Champagne Pommery 1961)
comme le remarque la seule et ravissante jeune femme de notre table. Ce vin
exprime les saveurs du vin blanc de Bordeaux avec des qualités qu’aucun vin
actuel ne pourrait imaginer. La profondeur du vin et la précision de sa
trame sont extrêmes. On hésite entre la finesse du champagne et la précision
du Laville. L’avantage me semble aller vers le bordelais. La fondue de
poireau est assez osée, et l’accord se crée grâce à la truffe de Bourgogne.
Si le bouchon du Laville était d’origine, celui du Château Carbonnieux blanc
1936 provient d’un reconditionnement en 2000. La couleur est d’un or
beaucoup plus orangé que celui du Laville et il est probable qu’à l’aveugle,
les senteurs d’agrumes pousseraient les amateurs à dire qu’il s’agit d’un
liquoreux devenu sec. En bouche, sa puissance est spectaculaire. Ce vin
équilibré est tonitruant. Un peu moins complexe et subtil que le Laville il
a énormément de charme et l’accord avec les agrumes du suprême de faisane
est d’un rare raffinement. C’est peut-être l’accord que j’ai préféré pour
son originalité, car le vin exprime le même goût d’écorce d’orange que la
sauce".

François Audouze
tél : +336.07.81.48.25 - fax +331.48.45.17.50 - site : www.wine-dinners.com
- blog : www.academiedesvinsanciens.org

événements : Prochains dîners : 18 février 2010 - 25 mars - 22 avril - 20
mai - 17 juin

lundi 21 décembre 2009

TOP TEN WINE 2009 Dix coups de coeur de l'année 2009




10 grandes émotions bues cette année, en faisant abstraction de tout le reste (plusieurs milliers de vins dégustés). Du mordant, des parfums rares, de l'inattendu toujours, de l'hallucinatoire parfois...rien d'autres à dire car comme me l'a toujours fait remarquer le grand vigneron du Jura Pierre Overnoy, "le grand vin, c'est quand tu fermes ta gueule"! Rien n'est plus vrai, qui qu'en pensent les signes savants du monde du vin...

Les 10 ne sont pas classés entre eux. Sauf gourance de ma part (ce qui est toujours possible, ne tirez pas sur le pianiste!), seul le Sancerre de Vincent Pinard n'est plus du tout disponible. Même le 1890 (vous avez bien lu) du domaine Puig Parahÿ l'est (en quantité infinitésimale, mais même autour de 350 € la bouteille, c'est une bonne affaire, croyez-moi...)

Le Muscadet (bio) du domaine Brégéon n'est proposé qu'à 3,65 €, le Bourgueil de Frédéric Mabileau à 8,50€...à vous de jouer maintenant.


------------------------------------------------------


Château Pontet-Canet 2008, cru classé de Pauillac, (Bordeaux rouge).

Domaine Vincent Dauvissat, Chablis Grand cru les clos 2007 (vin blanc de Bourgogne).

Domaine Cauhapé, Jurançon "la canopée" 2005 (vin blanc du Sud-Ouest).

Domaine Dujac, Clos Saint-Denis 2007 (vin rouge de Bourgogne).

Domaine Vincent Pinard, Sancerre blanc cuvée "Florès" 1996 (vin blanc de Loire).

Domaine Puig Parahÿ, Rivesaltes 1890 (vin doux naturel du Roussillon).

Domaine Brégéon, Muscadet Sèvre-et-Maine sur lie 2007 (vin blanc de Loire).

Clos de Tart 2007 (vin rouge de Bourgogne).

Domaine Frédéric Mabileau, Bourgueil cuvée "racines" 2007 (vin rouge de Loire).

Château Climens 2007, cru classé de Barsac-Sauternes, (Bordeaux blanc).




Photo copyright Thomas Bravo-Maza, sur tous supports, pour tous pays.